Les champs amoureux 2

 

Que d’autres séductions plus subtiles m’attendaient sûrement, insoupçonnées car fragiles. Ma convoitise, après s’être réfugiée au fond de la scène se trouvait maintenant au devant, au plus près de nous, et dans un jeu d’ombre et de lumière se dessinaient lentement à mes yeux les contours de son visage, d’une beauté pure et rayonnante, les légères sinuosités de ses hanches et de sa poitrine révélaient toute sa grâce qui soudain m’aveuglait. Le son de sa voix que je percevais enfin achevait de me bouleverser. Comment vous l’expliquer avec détails ! Non, je n’y parviendrais pas, vraiment. Les mots me manquaient. Je compris simplement à cet instant que cette femme était celle que j’attendais depuis si longtemps. Je me rends compte à quel point ces propos peuvent paraître très exagérés, mais je puis vous assurer que cette évidence m’ébranlait de la tête aux pieds. Alors oui, je l’attendais. C’est l’exacte vérité.

Ne sommes-nous pas après tout des millions à ressentir à chaque minute cette même certitude, sentimentale surenchère qui nous expose à la seule question qui vaille vraiment, secrètement mais fermement articulée : cette femme ou cet homme est l’amour que j’ai attendu ma vie durant ? Et toute impression, tout sentiment peut disparaître aussi vite qu’il était apparu, nous en sommes tous témoins. N’est-ce pas ? Rien d’exceptionnel dans cette mécanique, le premier quidam est à la merci de ces feux follets de la passion. Oui mais il s’agit de bien plus que cela ici, faut-il vous le répéter ! Il y a cette voix intime qui m’écorche les tympans à me crier que c’est elle. C’est tout.

Je ne la quittais plus des yeux, cherchant à percer ce mystère du flagrant amour. J’ai même craint un instant que la fièvre qui me gagnait me fasse émettre involontairement des sons, oui, comme des appels incontrôlés. Et je vous parle, et je me rends compte que je vous déballe tout cela un peu vite, nous ne nous connaissons pas encore très bien. D’ailleurs, tout cela se modéra un peu au moment où je la perdis de vue, je l’imaginais alors regagner sa chaise dans cette demi obscurité. Cette chaise se trouvait à l’autre bout de la rangée dans laquelle nous étions du reste tous assis, cela valait mieux. Je ne pouvais imaginer en ces instants avoir à mes cotés la source de telles éruptions émotives. Il fallait que j’apprenne un peu à les apprivoiser. N’est-ce pas ?