Guillaume Apollinaire - Alcools

Avant Proust, Joyce et Céline, Guillaume Apollinaire a réinventé le langage. En avril 1913, la poésie française venait de recevoir avec cet ouvrage l'expression la plus hallucinée de son art poétique. Un manifeste, une ode à la modernité. Pourtant à sa sortie Henri Ghéon de la NRF soulignera autant son originalité que son manque de cohésion entre les poèmes, Georges Duhamel, lui, déclarera avec virulence : […il est venu échouer dans ce taudis une foule d'objets hétéroclites dont certains ont de la valeur, mais dont aucun n'est le produit de l'industrie du marchand même. C'est là bien une des caractéristiques de la brocante ; elle revend ; elle ne fabrique pas…]
Duhamel n’avait pas compris cette modernité, lui l’héritier d’un classicisme romanesque « qu'éclairent une sensibilité mesurée et une haute image de l'homme », comme l’écriront les encyclopédistes du début du siècle. Alcools est un recueil pluriel, polyphonique, une poésie expérimentale, allant d'une quasi-perfection formelle et d'une grande beauté à un hermétisme, un art du choc, de l'électrochoc, qui a valu à Apollinaire d'être qualifié de mystificateur.
Alcools est une biographie inachevée, avec ses amours, ses passions. Bref, une vie. Des rives du Rhin jusqu'à Londres ou Amsterdam ; du Pont Mirabeau jusqu'aux murs de la Santé ou le long de l'éternelle Seine, nous suivons la géographie de ses aventures amoureuses. J'ai soif villes de France et d'Europe et du monde/ Venez toutes couler dans ma gorge profonde, écrit-il. La géographie aussi de son errance, portant son cœur comme un bagage trop lourd de peine dans l'éternel automne de ses amours en rêvant aux cheveux crépus comme une mer qui moutonne.